Il n'y avait pas que moi



 Chaque fois que je pose les yeux sur cette photo de ma classe de Terminale, je ne peux m’empêcher de sourire. J’avais dix-sept ans, presque dix-huit, et je suis au dernier rang, la deuxième en partant de la gauche. Cette année-là, celle du bac, je suis partie avec mon père dans notre maison d’Ariège réviser au calme. Je me rappelle la douceur toute relative de ces jours de février, le soleil timide sur les arbres encore nus. Et l’incroyable se produisit : arrivant à pied à travers le grand champ, un grand-père accompagné d’une adolescente, sa petite-fille, s’avançaient jusque chez nous. Quelle ne fut pas ma surprise de découvrir que la jeune fille était une camarade de cette classe de Terminale ! Avec son nom de famille si répandu dans le secteur, j’aurais dû m’en douter... Nous étions heureuses de nous voir si loin de Toulouse et, pendant que les deux hommes discutaient parcelles et montagne, nous papotions sur nos jours dans nos maisons ariégeoises. Notre rencontre inopinée, nous l’avons gardée secrète. De toute façon, elle n’aurait intéressé personne dans notre classe. Mais c’était notre alliance tacite. Et nos regards croisés au lycée ne furent plus jamais les mêmes, soulignés qu’ils étaient de nos sourires de connivence. Cette jeune fille, je ne sais pas ce qu’elle est devenue, si elle revient dans la vallée de Saurat. Mais elle demeure dans ma mémoire, avec l’aide complice de la photo où elle apparaît sous son air faussement assuré.

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